l'encre et la plume...

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LE PLATANE

 

 

Devant la grande bastide qui se dore au soleil, le gravier crisse, le platane obscur étale sa couronne généreuse . Son ombre est lente et rassurante.

Les taches de lumière jouent avec l'écorce qui s’écaille, et laissent des coups de pinceaux d’impressionniste sur son corps massif. De la table et des fauteuils d’osier s’échappent des rires et des murmures, sous les branches larges qui se balancent et chantent sous le vent.

 

Bientôt sous le ciel bleu, glacé et violet, le vent raflera ta feuillure, un homme élaguera tes grands bras étendus. Il me semble que sans tes longs doigts qui frissonnaient et me parlaient, tu deviens muet et tu grimaces des signes impuissants, de tes moignons difformes et blessés.

Et dans les cours d’école, tu resteras au piquet, amputé, nu et malheureux.

 

Comme je préfère ces grands platanes en liberté jamais taillés, jamais coupés et qui l’hiver comme l’été agitent leur ramage baroque et fantastique, affichent une noblesse extravagante. Majestueux et centenaires ils dévoilent l'arthrose distinguée des mains de beaux vieillards.

 

Au chant des cigales agrippées à leur écorce, ils tracent la route et haussent le cou et la ramure, fidèles sentinelles alignées comme d’aimables girafes tachetées par le soleil, qui joueraient avec des feuilles.

 

Gardien immobile qui porte une main fraîche au front brûlant de nos maisons, en tenue de camouflage, brave soldat à la peau douce, il est le temps qui passe, la course des saisons, le témoin de notre enfance, le refuge de nos anciens.

Tout un peuple de rois modestes et puissants, de rois sans couronne, les rois impassibles de la Provence.

 

 

Béatrix Bouillon 25/05/2018



25/05/2018
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