l'encre et la plume...

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>> Ansouis

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                                                                Ansouis

 

 

    Il y’avait quelque chose dans cet endroit, de prometteur. Une offre confuse. Une séduction engageante.
D’en bas, nos pieds de visiteurs trébuchaient sur les pavés, mais nos regards portaient sur une volée de douces marches arrondies qui s’étalaient comme des coulées de lave dorée devant le parvis de l’église.
La lumière était blonde et bienveillante. Puis on continuait à monter pour atteindre un parapet.
C’est seulement alors que la promesse était tenue. Une étendue immense de cultures, collines et chaîne montagneuse du Luberon, là sous nos yeux. De quoi rêver longtemps. Réfléchir. Rester humble. Une sorte de grande respiration aussi : le vent.
Le prix à payer était le vent. Toujours présent, peu importe l’heure ou la saison. Le maître des lieux.
Secoués et éblouis, nous avions droit à un supplément, si nous consentions à passer la porte de l’église qui s’arrondissait comme un chat se frotte à notre jambe pour avoir sa pâtée. Sous la chaleur, nous rendions les armes et les murs frais nous avalaient. Nous pouvions alors espérer la vie éternelle. Il fallait juste que nos yeux s’habituent à l’obscurité et s’accommodent de nos noirceurs.
« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Henri Queuille.
Non loin de la proue de ce village ocré au couchant du soleil, les pierres du château usées, sculptées, hiératiques conservaient la mémoire des bals et des tueries, des retrouvailles et des trahisons. Comme l’ambre emprisonne l’insecte et nous le donne à voir si on est attentif, mort et comme encore vivant.
Le souffle était cinglant lorsque tout paraissait doux et facile.
Que regardait-elle la châtelaine au loin, sur les routes poudreuses, entre les seins généreux des collines ?
Était-ce le signe du retour de son époux, seigneur et maître ? Était-ce la poussière soulevée par les chevaux d’une armée de guerre ? Le présage de l’amour ou de la mort ?
Je ne pouvais pas rester sur ces hauteurs une éternité. L’aurais-je pu, une promesse n’est qu’une promesse : du vent...

 

 

17/08/2019 Béatrix Bouillon Mayer

 


18/08/2019
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>> - A Fabrice

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17/5/2018

 

Nous avons tous des papiers d’identité, mais quelquefois nous ouvrons des yeux pleins de larmes sur des pages de notre existence….

Qui étais-je alors, amoureuse effrayée qui regardait l’envol des mouettes au dessus de l’estuaire de St Nazaire comme un message d’espoir, une promesse, ou  une supplique ?

Qui de toi ou moi, allait garder nos lèvres embrassées jusqu’à la fin ?

 

Tu es mort.

 

Non.

 

Ton essence est là, le meilleur de toi même.

Tu me donnes ce que j’ignorais alors, ce que tu ne savais pas révéler.

 

Je relis ta dernière lettre et je comprends enfin, je te lis et je t’écoute.

« Mon présent grandit dans le bocal du passé », ce sont tes mots….

 

Je parcours les miennes, celles que je t’écrivais, jamais relues, rejetées, refoulées, occultées. Ces mots je les ai pensés, alors je te les dois, mon amour.

Tout ça je l’ai vécu, je l’ai senti et je te le donne là où tu es.

Mais tu souris parce que tu le savais déjà.

 

En ce temps là j’étais un peu tombée sur la tête, au pays des celtes, celui où tout le monde a les yeux verts ( si c’est vrai ! ), où je me sens chez moi, en Bretagne.

St Nazaire sous la pluie, les plants de tomates qui poussent sur le sable de l’estuaire en regardant les grands bateaux, les colonies de coccinelles qui envahissent les goémons par milliers. Et cet hortensia bleu, grand comme un homme ! Toutes ces maisons blanches qui s’aplatissent sous le vent comme un chat qui passe sous un portail. Un calva doré comme une topaze avec une aura inexplicable.

J’ai envie d’avoir une demi-douzaine d’enfants pour leur prêter un peu de la magie de ce pays et leur donner des prénoms de fées.

Et je t’ai rencontré. C’est bien, j’aurais pu ne jamais te rencontrer…

Le miracle du hasard, du destin nous tient alors lieu de passé, de présent et d’avenir. Nos vécus ont construit ces amants qui se sont dit oui. Tout de suite.

 

On dirait que je n’aurai plus jamais faim.

C’est comme si ce matin en prenant ma douche bêtement j’avais découvert la preuve de l’existence de Dieu.

 

...Et si c’était l’Amour ?

Je voudrais bien saisir sans le froisser ce merveilleux sentiment de merveilleux…

Toute chose a un envers et un endroit, je sais.

Je me demande quel est l’envers du merveilleux ...

 

On s’est rencontrés, on avait fait chacun la moitié du chemin, on s’est jetés l’un sur l’autre . Alors si je me suis trompée, tu t’es trompé aussi forcément… nous avons commencé à nous aimer ou nous tromper ensemble, presque en même temps. Chacun de notre côté, avec le poids de nos malheurs et de nos souffrances, avec les raisons et les déraisons que l’on se donne, nous avons fait ce bout du parcours jusqu’à Nous.

Celui que tu as fait je te l’emprunte et je te donne le mien, nous avions devant les yeux tous les pays du monde, nous avions le choix. Nos peines étaient légitimées, nous étions libérés de nos peurs et de nos doutes. On se comprenait.

Je me souviens….Ta manière de m’appeler « chérie » à tout bout de champs, de me regarder dormir, de mettre partout des pense-bête « je t’aime » … et moi qui attendais justement de n’y plus penser pour te le dire.

Je t’aime.

Pourquoi est-ce si grave ?

 

C’est sûrement un bout de Dieu.

 

Mon pense-bête à moi c’est la couleur de mes yeux qui chavire quand je te vois. C’est peut-être pour ça que tu aimes me regarder. Tu lis de l'amour.

Ces longues épousailles dans ton grand lit d’où naissaient comme des plaintes, auraient du durer toujours. Toujours.

On ne revient pas de ce pays, on se caresse infiniment, on oublie, on s’oublie.

Mon coeur n’est plus à la même place, il palpite dans un pays tropical, sombre où il se sent fondre.

Il faudrait pouvoir dire exactement les mots qu’on ne doit pas dire. Insensés, improbables. Des délires de chercheur d’or.

Je nourrissais la bête qui me dévorait avec un sourire mais je tremblais de toutes mes feuilles, comme le noyer glacé par l’orage, qui attendait suppliant juste devant la maison, porte close sur la cheminée enfiévrée.

Je ne veux plus que quiconque ait peur. Même pas moi.

 

Je sens encore tes mains sensibles sur mon corps, il fait toujours beau entre tes bras, j’entends encore la dernière note de nos musiques, elle vibre encore.

J’étais éblouie.

Si c’est pas toi, c’est le vent qui me fait chanter. Je goûte à toutes les grappes. Sous le lampadaire il y’a des papillons si dorés que l’on y croit pas. Je suis dévorée par un animal mythique.

Ca mange quoi l’amour ?

- Fais le, maintenant que tu sais ce que c’est .

Oui. C’est un vertige absolu.

Je pourrais rester assise un mois sur une chaise à penser à toi. Je souris avant de te mordre goulûment. On a déchiffré nos corps, nos mémoires, on a écrit et imprimé sur notre chair tout notre désir, notre éternité.

 

- «  Je t’aime, sinon ça ne me ferait pas cet effet là »

- Quel effet ?

Que je suis sotte….je devrais le savoir : tu me bouleverses la peau.

Je suis simple comme une tulipe.

Levée vers toi.

Tu m’as dit une fois : « j’aurais du t’attendre »

Et moi qu’est-ce que j’aurais du faire pendant ce temps ?

J’amène quoi sur la table de la vie, cette bonne auberge espagnole ?

Je ne sais même pas si je t’aime pour longtemps et déjà je souffre…. Oh ...me mettre dans un tiroir et dormir ….

Aime moi Fabrice, aime moi très fort. Aime moi ! aime moi....

Tu me manques, j’étouffais chez toi, et je me consume ici.

C’est drôle l’amour, moi je trouve…

Il faut que tu m’aimes, il n’y a pas d’autre solution. Sans capodastre, sans économie.

J’ai pris un coup de soleil incandescent, je change de peau, je mue. Je découvrirai bientôt des lambeaux de ce que je fus derrière un tas de pierres.

Partout où il n’y a pas d’amour, ça sent la bête malade, ça pue la mort. Et puis le malheur c’est inutile.

 

J’ai été voir les cheveux de la fée Marie Morgane dans les flots, la lumière d’un réverbère emprisonnée dans l’eau d’un petit port plein de voiliers vides, penchés à marée basse. Il ne pleut pas.

Un film passe à la TV «  La grande illusion » …

J’ai peur. Ce soir là je pressens ma vie, rugueuse et lourde comme un corps-mort, bloc de béton où je suis amarrée :

- Pour moi, il n’y aura pas de couple, pas d’enfant, pas de famille.

J’avais 31 ans.

J’en ai 65.

Ce soir là j’ai su. Mais j’ai tenté. Et j’ai pendu mes peines au bout d’une corde, comme elles le méritaient.

 

On donne chair aux mots que l’on se dit, aux mots que l’on s’écrit.

Et bientôt à un enfant.

Je l’aime déjà tellement ce petit qu’il faut que je l’oublie un peu pour qu’il respire.

 

Et il y’aura les jours où je mordrai la pierre comme un chat empoisonné.

J’ai perdu mon amour unique, le fils que j’attendais. Il est venu trop tôt, inerte, éteint. Ce matin là j’ai serré les dents à m’en faire péter les molaires.

 

Tu as lâché la barre, voiles affalées.

J’ai changé.

 

J’y penserai demain, demain je pourrai souffrir sans te tuer, toi son père qui m’a abandonnée le ventre ouvert.

Ces « je t’aime » qu’en reste t-il ?

J’ai appris à mourir vivante tout ce temps là et puis un jour j’ai envoyé la grand-voile.

Je n’ai rien laissé, tout emporté. Je sais.

J’ai glissé entre tes rêves et l’amour, mais tu m’as gardée comme un parfum tenace, blessé et fuyant. Tu m’as mise au chaud au fond de ton coeur avec les chaussons bleus de l’enfant qui n’a jamais marché.

Je garde en tête une photo qui n’existe pas: je l’ai inventée. Sa petite main sur le cou de son père. En gros plan.

Oui vraiment, tout ça je l’ai vécu, pensé, écrit et je te le donne, là où tu es. Dans cette autre vie.

 

Ô mon fumeur, mon bien-aimé entouré de nuages gris, mon grand corps abandonné, tes mains amoureuses, tes yeux bleus, si bleus…

Il faut bien ça, la Mort, pour tourner la page.

Mon amour, viens, je t’emmène respirer les bruyères de la baie des Trépassés .

Trépassés ? on s’en fout...

Et le parfum des ajoncs qui sentent la noisette, le vent et les nuits profondes.

Viens ! c’est toi qui me l’a dit, l’Amour ne meurt jamais.

 

 

Béatrix Bouillon 17/05/2018


18/05/2018
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>> L'étalon rouge

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L’étalon rouge

 

Des talons rouge cramoisi claquent sur le parquet inondé de soleil. Des pas décidés qui résonnent comme autant de coups de maître. 

Le silence se fait, les lustres pesants irisent les lames de chêne entrelacées, la lumière rentre à flots et se multiplie dans plus de 350 glaces. 

Le Roy…. Tous les courtisans ruisselants de pierreries s’inclinent, étourdis par la hauteur du regard et l’élégance souveraine. Il est grand, bien fait de sa personne et possède le regard altier de celui qui sait tout ! Ses espions sont partout….

En habit noir entièrement rebrodé des diamants de couleur dont il raffole, les princes de sang le frôlent et la noblesse se courbe. Les bustes, les pilastres de marbre et de porphyre, les bronzes, les torchères, les vases, les girandoles, l'argent massif du mobilier, les immenses toiles célèbrent la gloire de Louis le Grand. 

2153 fenêtres défient le monde.

Il a bien observé les comédiens de Molière et cache sa timidité d'un masque théâtral qu’il affiche dès son lever. Il est à la France corps et âme, mais trouve une parade géniale à son sacrifice : sa passion d’esthète qui rayonnera dans le monde entier grâce à l’Art, tous les arts …. il sera amant, infidèle, changeant, menteur, cruel et repentant mais sera infaillible quant aux artistes qu’il choisira….

Mais ce soir, c’est le temps de la fête, de la splendeur, sa revanche sur Fouquet !

Comme un charmeur de serpents il entraîne à sa suite cette longue couloeuvre parée de brocart, de velours, de soie et de mousseline, dentelles, prétentailles, taffetas, satin et falbalas….Les jupes, les robes et les pourpoints, les corsets et justaucorps se bousculent et se froissent, les plumes et perruques poudrées se penchent, les gants d’Espagne s’agrippent aux manchons de loutre, les bijoux scintillent et les yeux brillent de convoitise….

Les yeux fardés se pâment, s’extasient mais lorgnent vers un bassin où des êtres difformes transformés en grenouilles, tortues, et lézards de plomb supplient Latone, ces mendiants somptueux flairent bien là, la promesse d’un châtiment terrible à la moindre désobéissance, tout en suivant des yeux le long chemin qui leur reste avant d’atteindre le grand canal et peut être arrêter le regard du Roi.

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Aux pieds de Sa Majesté, se courbent et s’enlacent les broderies de buis, et triomphe la puissance des jets d’eau assourdissants. Cette eau si chère à capturer, cette eau supposée vectrice de la syphilis et des humeurs malignes, inquiète. En plus des marais putrides qui donnent des fièvres mortelles, les médecins soupçonnent les ablutions d’altérer la vigueur sexuelle. Louis qui de toutes façons n’a peur de rien, nage dans les rivières et... aura 16 enfants, dont peut être une fillette à peau sombre… que les médecins au supplice, attribueront à l’abus de chocolat devant une cour hilare…..

 

Sous les frondaisons des ormes, des tilleuls, des hêtres et des chênes, les bouches chuchotent et masquent leur haleine pourrie avec la cannelle et clous de girofle, menthe et marjolaine. Aspergée d’Eau Impériale, Couronnée, d’Eau Superbe, la beauté crasseuse puise chez son parfumeur les baumes du Pérou, la poudre de Chypre, la pommade de Florence, la cire d’Espagne, et puisque rien n’y fait, rajoute quelques gouttes d’essence de fourmis et d’esprit d’écrevisses, des préparations aromatiques de poumons de renard, de foie de loup, de graisse d’ours, de poudre de scorpions, de cloportes, de blanc de baleine, de cendres de salamandre, d’huile de vers de terre, de corne de cerf agrémentée de sang, d’urine, d’excréments et enfin de liqueur de momie égyptienne…. Diantre !

Et dire que Louis est allergique à toutes ces vapeurs sauf celle des fleurs d’oranger...

 

Les traînes des manteaux bruissent comme feuilles mortes, et chacun applaudit quand M. de St Hilaire présente au Roy le travail de son araignée, une araignée de Madagascar qui file une soie d’or liquide, irisée, somptueuse, digne d’un conte de fée de M. Perrault…….  (De plus la créature n’est pas venimeuse, elle ... songe le souverain).

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Le soir descend, des tables sont dressées, éclairées par des milliers de bougies, dans la même ordonnance que les dentelles de buis de M Le Nôtre, couvertes de vases et de plats d’argent emplis de fruits et confitures. Des buffets chargés de carafes de cristal, de porcelaines, de liqueurs, vins fins, thé, café et chocolat attendent des doigts avides. La courtisane effrontée se pâme lorsqu’une main gantée surgit brusquement d’un bosquet et lui tend un verre de ce vin pétillant élaboré par le moine Dom Pérignon…

Une grotte fabuleuse peuplée de monstres, des orangers offrant des fruits confits, un arbre fontaine, des cascades, des labyrinthes, des jets d’eau malicieux qui soulèvent des jupes frivoles, des allées rayonnantes, des perspectives, des palissades, des grilles et des arcades abritent les complots, les intrigues, médisances et royales amours….

 

..... Dans les coulisses une bataille fait rage: la nouvelle cuisine contre l’ancienne, l’aigre-doux et l’épicé contre les coulis et les aromates., les compotes, gelées, marmelades, contre les mousses, la chantilly de Vatel ...

Les maîtres-queux rivalisent, les commères et marmitons s’insultent :

- Vieux manche à gigot !

- Cul de jument !

- Bouquet sans queue !

- Voirie ambulante !

- Sac à vin !

- Gueuse à crapaud !

- Restant de galère !

- Matelas d’invalide !

- Echappé de Bicêtre !

- Dinde sans plume !

- Enseigne de cimetière !

- Etron en plein vol !

- Tu me chies dans la malle jusqu’au cadenas !

- Vas mettre ton jambon dans le torchon !

Molière n’a qu’à bien se tenir … quant à Racine ….

 

« Messieurs, La viande du Roy ! »

Les tables nappées croulent sous 250 plats de service, potages, hachis, rôts, marée, ragoûts, venaisons, fricassées, salades parsemées de violettes…..

Ont défilé les carrousels, chameau, éléphant de la ménagerie royale, costumes somptueux, comédies-ballets, loteries, concerts...

Sous les beaux yeux bleus de Louise, confuse et rayonnante, il joue de la guitare en souvenir de Scaramouche, elle est sa plus belle victoire quand elle oublie ses scrupules devant l’ardeur de son regard...

Alors le Roy triomphe ! Le Roy danse !

Sa grande passion …. il lui consacre plusieurs heures par jour depuis sa plus tendre enfance, le Roy se montre, le Roy prend le pouvoir, il a le pied sûr, le mollet bien pris, il est agile, entrechats, pas chassés, sissones, assemblés, les talons couleur de rubis glissent …. Sur la musique de Lully, il fascine et règne sur les coeurs….

« Et malheur à qui ne danse en cadence avec lui ! »

 

Pour finir, le château, l’eau, la terre et le ciel s’embrasent, irradiés par un feu d’artifice somptueux.

Les courtisans rompus, éblouis suivent le jeune souverain et les robes agonisent lentement sur les marches du château…

Le Roy se tourne une dernière fois vers ses chers jardins, vers l’espoir qu’il est en train de bâtir. Il s’est vengé de l’humiliation de Vaux le Vicomte, et forgera ici son destin et celui de la France.

Il regarde longuement le ciel noir et calme dans le grand canal qui miroite .

Aura-t-il seulement une descendance digne de ses efforts ? Lui qui trouve le temps, après la cérémonie du lever, le couvert, la messe, le conseil des ministres, le dîner, la chasse, la promenade, ses maîtresses, ses favorites, le souper, la comédie, le jeu, le ballet, les guerres, lui qui trouve le temps toujours, de veiller au moindre détail de l’élévation de son oeuvre ?

Qui veillera sur les bâtiments, les jardins, la peinture, l’orfèvrerie, l’ébénisterie, la joaillerie, les parfums, la soie, la musique, le théâtre, la littérature, la sculpture, la cuisine, l’horticulture, l’équitation, les sciences, la mode, les faïences, porcelaines, et la danse ? Qui à la chasse, forcera la meute hurlante des grands loups gris ?

Ce Roy et Versailles sont le centre du monde, copiés, enviés, admirés.

Grâce à sa passion pour tous les arts, la France est à son zénith. L’astre du jour éblouit la terre entière.

Trois cents ans après, l’image du grand siècle reste incomparable mais la question angoissée de Louis Dieudonné le Quatorzième demeure…. Qui ?

Qui à la tête de ce pays, préservera son lustre ?

.....Après le soleil, l’ombre est violente

Aucun n’est arrivé et n’arrivera à l’illustre cheville de ce danseur magnifique….

Avec rage il écrase de la semelle une flammèche égarée. De toute sa morgue il tourne les talons, ses talons rouges qui cueillent au passage la lueur sanglante du soleil qui se couche.

 

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Béatrix Bouillon    13/02/2018


21/02/2018
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>> Mirages " L'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs" Coran

Mirages ....

 

J'avais fait un rêve et je le regarde s'éloigner, triste et impuissante....l'héritage de l'âge d'Or de la civilisation arabe...

Devrais -je attendre Mille et une nuits, encore et encore  ?

Et songer au partage de vos précieuses découvertes: l'algèbre et l'algorithme, l'astronomie et l'astrologie , les mathématiques et la géométrie, la géographie et la botanique, la médecine et la chirurgie, la zoologie et l'agriculture...

Vos penseurs et philosophes, traducteurs et alchimistes, les savants juifs et chrétiens traducteurs de Platon, étiez les gardiens de l'héritage grec, du chiffre zéro venu d'Inde et du papier arrivé de Chine ..

Arabes, persans, turcs, berbères et moghols traciez des arabesques aux frontons de vos mosquées, et conceviez les chiffres arabes...en Perse, en Egypte et en Nubie, en Inde et en Iran, en Syrie et en Turquie, en Mésopotamie jusqu'à l'Andalousie, à Babylone et à Bysance, à Séville et à Tolède, à Damas et à Cordoue, à Fès et Marrakech, à Bagdad et Tombouctou, à Riyad et Ispahan...

Alors que débutent les travaux du Louvre, forteresse froide et humide, s'élèvent sous l'azur du désert des palais et des minarets, des caravansérails et des harems, des mausolées ...des arcs et des coupoles, des stucs et des faïences, des marbres et des albâtres, des mosaïques et des fontaines.

Le soir, la nuit pendant que les passants écoutent les palabres, les conteurs brodent des histoires: " le collier de la colombe" ou "des amours et des amants" que nos troubadours et ménestrels promèneront dans nos vieux châteaux ...amour courtois...

Lassés des souks et les bazars, dans les jardins de Shalimar, allongés sur des sofas, des divans profonds, des ottomanes moirées, couchés sur des matelas de soie, alanguis sur des coussins de satin et taffetas, vous buvez à la carafe ou à la tasse le moka et le sirop, la limonade ou les alcools, les vins sucrés de l'Orient, fumant le nargileh peut être ...

Les danseuses avancent en ondulant, voilées de mousselines et ventre dénudé au son des cithares et des luths, la lyre et la flûte, tambourins et sonnailles, tarboukas et layalis, vous dégustez alors les sorbets, les oranges,  la pastèque et le citron.

Dans la douceur des hauts murs filtrés par les moucharabiehs, vous descendez les terrasses , les jardins du paradis, mollement bercés par les palmiers et grenadiers, au frais des pergolas et galeries, chemins d'ombre et rampes d'eau.

Le soir quand les jasmins, roses de Perse, hibiscus, violettes et chèvrefeuilles désertés par les oiseaux et papillons exhalent leur parfum, la menthe et l'eucalyptus, les daturas et lauriers roses respirent enfin près de la source...

Doucement dans les ryads clos vous marchez sur les dallages, près des bassins frais et des fontaines, des cascades et des jets d'eau, des vasques dorées, effleurés par le vétiver et la verveine, le romarin et la lavande.

Les alchimistes distillent des élixirs dans leur alambic, le cèdre, l'acanthe et l'aloès...

Les droguistes écrasent muscade, cumin, coriandre, soude, camphre, estragon, santal, ambre et benjoin, cardamone en poudres douces et fines. 

Les enlumineurs usent du cramoisi, du safran et de l'iris et les calligraphes d'Iran donne au calame un beau geste pour écrire la lettre, belle comme un reflet du monde.

Les caravanes et les femmes attendront demain....

Dans les écuries et les haras le Prince du désert, crée par le souffle d'Allah sur une poignée de Vent du Sud, renâcle doucement, sa tête fine et intelligente tournée vers les dunes où dorment les gazelles et les chats des sables ...

Après le hammam hérité des thermes romains et le massage aux aromates, onguents de Chypre et de Corynthe, la peau souple et douce, vous dormirez en rêvant à des horloges automates, à des cadrans solaires qui font passer et les jours et les nuits.....

Après les chevauchées et le règne des cheikhs, califes, sultans, vizirs et mamelouks, sous la douceur trompeuse de la gaze, le moelleux des baklawas, la perfidie des eunuques, la duplicité des rivalités implacables, des violences tribales, les attentats, le commerce des esclaves et des femmes sacrifiées, les guerres sanglantes et les vaisseaux brûlés....que reste t-il de ce savoir, de cette curiosité passionnée où l'humanité entière a puisé toutes ses richesses ?

Le faucon encapuchonné ne peut plus chasser et reste au poing de son maître .... de quelle ruse le fauconnier va- t il user pour entraver ses captifs de haut vol ou de leurre ? quelles caresses perfides  attachent les jeunes éperviers ? 

Las le voile et les crimes au nom d'Allah ont éteint le fier regard des pays arabes et l'intégrisme leur arrache les yeux et la liberté.

Las, l'astrolabe sous lequel vous êtes endormis, sur quel horizon pointe t-il ? sur quelle sombre planète et sur quelle étoile froide ?

 

Hélas le temps a passé où sont vos splendeurs d'antan ?

 

Béatrix Bouillon      14/03/2017

 

 

 

 


14/03/2017
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