l'encre et la plume...

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Grambois

 

Ce village est à part.

D’abord il n’est sur le chemin de rien du tout, il est perché et il faut aller le chercher. Vu de la plaine, son cyprès montre le ciel comme un doigt levé, ses maisons ramassées autour de ce que l’on ne connaît pas encore, évoquent une histoire humaine, une solidarité contre les vicissitudes de la vie, les agressions des siècles passés.

Le chemin sinue jusqu’aux vieilles pierres, le rempart…

On pourrait s’arrêter là et le poser sur une carte postale, un cliché du village provençal typique, sauf que ses habitants se fichent éperdument de l’imagerie facile, de la séduction complaisante ou touristique. Bien sûr qu’il est beau ! c’est même un des plus beaux villages du Vaucluse, sans hésiter.

Mais Grambois a du caractère. Comme ses habitants. S’il a résisté, ce n’est pas pour rien, si les tempêtes, le climat, les guerres, l’économie agonisante l’ont laissé debout, c’est qu’il est solide. Comme le grand chêne du jeu de boules, comme ses maisons du XII, XIII ème siècle…

Et son église, simple, humble et fière… quand j’y pénètre, dans la fraîcheur de ses vieux murs, je songe toujours en regardant les dalles usées, presque creusées, qu’elles sont comme le lit d’une rivière, tracée par des milliers de pas, des milliers d’émotions, de mariages, de baptêmes, d’enterrements. C’est une église de vivants avec la mémoire des morts. Le refuge des êtres qui ont leurs racines plantées là, dans la terre de leurs aïeux. Je l’aime, que voulez vous, elle sait tout de l’inconscience du monde et la mécréante que je suis, parfois allume un cierge et médite.

Sauvage autant que débonnaire, ce village ne se visite pas étourdiment, il s’approche. On doit causer avec leurs habitants, écouter…et apprendre.

1100 âmes sous ses toits de tuiles, plus celles qui dorment au cimetière…ceux qu’on a connus, aimés et dont le départ nous a noyé les yeux…ces femmes et ces hommes qui ont fait front contre les douleurs et les violences de la vie. Ca en fait des coeurs qui partagent...

Quand je marche dans les rues de Grambois, sa mémoire me suit comme une ombre, maintenant chaque placette, chaque muret, fontaine, porche, fenêtre à meneaux, me racontent leur histoire et participent de la mienne. Chaque mûrier, micocoulier, chêne, iris, arbre de Judée, olivier, magnolia, rosier, marronnier sont des témoins souriants et apaisants.

Et le Luberon ! Son doux regard mauve au soir qui tombe, bleuté sous le ciel gris, tendre au matin qui l’éveille.

Cette porte en bois que j’ai poussée un matin très tôt, quand le soleil se levait au dessus de cette force massive, imposante, souple, allongée et assoupie, oui ce soleil blanc et aveuglant, je m’en souviendrai toute ma vie. Il irradiait une longue haie d’ iris parme, élancés, clairs et lumineux. Comme une sorte d’espoir.

Que c’est bon d’évoquer les vieux chiens que l’on a connus, d’écouter les anciens qui retrouvent leurs 15 ans quand ils se souviennent de l’école de jadis, la boulangerie d’alors, les fêtes…

Et souvent je me dis que ça me fait comme une famille. Turbulente, rigolarde, raffinée, insolente, tolérante, têtue, colérique, affectueuse, complice; je ne l’ai pas choisie mais parfois, eh bien, peut-être, il me semble qu’il n’y a pas de hasard…

 

Béatrix Bouillon 07/06/2018



07/06/2018
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