l'encre et la plume...

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Les arbres


>> Le magnolia

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LE
MAGNOLIA

 

 

 

J’aurais pu m’endormir et m’éveiller à l’ombre d’un figuier comme Siddhartha, ou me déhancher sur le tube disco de Claude François, mais j’ai choisi de rêvasser sous l’emprise du Samsara et m’enivrer du parfum du magnolia.

Il me laisse pensive : il a plusieurs vies cet arbre, se ramifie dès la base et fait ensuite l’école buissonnière. Comme il est beau, isolé sur une pelouse verte, les racines au frais dans une terre douce et tendre, son port arrondi aux premiers jours du Printemps. Comme il est beau avec sa peau satinée et sa robe grise, ses fleurs luisantes d’un rose pâle.

Comme un galant empressé de me faire oublier l’hiver, il me tend un bouquet au bout de ses bras nus, et me voilà séduite et frissonnante, troublée par ses baisers si parfumés. Ses intentions sont pures, il n’est que fleurs, pas un bourgeon. Il s’offre tout entier, sans compter. Il vient comme une rencontre amoureuse : d’abord le meilleur, le plus beau, l’admiration, l’enchantement, le vertige absolu, ensuite viendront le feuillage et le fruit…. Il risque l’explosion, le feu d’artifice, le bouquet final avant même les présentations d’usage, avant même le début de l’histoire...

Il change selon la nuance de ses pétales : blanc il est la lune, jaune il est le soleil, rose il est Vénus.

Mon amoureux est distingué, sa noblesse de 100 millions d’années inspire le respect à la seconde. Il me chante des notes parfumées, je soupire et je chavire.

Et là je sais que je n’oublierai jamais cette pyramide glorieuse mais timide, fécondée par des scarabées dorés, ces bijoux vivants, ces amulettes irisées qui s’y promènent et vont lui dévorer le coeur. Parce que j’ai bu son philtre d’amour, son doux poison volatile, son parfum diaphane et captivant, le sillage voluptueux de sa grande fleur élancée qui s’offre comme une tulipe, simple et crémeuse.

Je ne suis plus rien, j’oublie tout ce que je sais, je suis prête à planter un, vingt ou cent magnolias juste pour m’emplir de cette essence mystérieuse, ce soupir fugace qui me frôle et qui me tient.

Offrande acidulée, lumineuse, transparente, intense, délicate, opulente et somptueuse.

Avide, je cueille sur ma peau la fragrance magique, je bois de tout mon être l’âme silencieuse qui vibre dans cette floraison de porcelaine.

Pendant des jours je m’enivre mais le temps passe. Ses pétales évanouis vont glisser une à une en partance vers la terre, un souffle sur le miroir, une petite barque qui file sur une rive éteinte.

Tournée vers le bel arbre, les yeux caressants, je languis et j’espère, impatiente de revoir la fleur puissante et solitaire, suave et lustrée, l’année suivante, encore et encore comme le flambeau odorant de la victoire sur l’hiver, la froideur et le sommeil, le souffle capiteux de la vie, la rédemption fleurie d’une âme étourdie et fatiguée...

 

 

 

Béatrix Bouillon 12/06/2018

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12/06/2018
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>> L'Olivier

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                                              L’OLIVIER

 

Sorti des pierres comme un réglisse tressé, il offre un front buté au vent qui chante, au Mistral qui s’emporte, chasse et lâche ses chiens sur des terres brûlées.

Noué au ventre, il offre une couronne d’argent au ciel bleu sans fin où le regard se perd.

Ses pieds se tordent sur les pierres et il pousse en trébuchant dans une terre sèche et parfumée.

Cette silhouette gribouillée qui s’entête à lutter contre les ans, étend ses bras dans un geste de défense. Pour se protéger du temps qui passe: l’Olivier tresse des lauriers pour l’Eternité, pour une Paix qui ne vient jamais.

Il ne meurt pas, c’est un autre lui-même qui jaillira de cette souche qui médite depuis des siècles.

Sa feuille comme une lance s’allonge pour boire, se renverse et s’offre sous l’orage, puis se resserre, se retourne pour résister et vivre encore….

Sous le front sourcilleux des yeux verts ou noirs nous observent et pleurent des larmes blondes qui coulent lentement comme un soleil qui glisse, un sanglot doré recueilli sans une plainte par des bouches gourmandes.

Il fut dans de simples lampes notre source de lumière. Et les veines ouvertes et ruisselantes de son bois dur et ligneux, furent la parure, le lit où Ulysse enfin apaisé retrouva Pénélope, où s’embrasa encore le désir et la victoire, et puis l’amour, l’amour toujours….

Dans certaines religions, certaines Pâques Fleuries, certains pays du Sud, encore des rameaux d’Olivier… Il fleurit jusque sur l’habit vert des académiciens français et fut gravé sur des pièces d’argent. Même le chat cet infidèle, s’y frotte, s’extasie et se pâme ….

C’est le don le plus utile que la sage Athéna fit aux hommes lorsqu’elle le sortit du sol...ce petit arbre humble, modeste.

Comme c’est étrange que de cette terre si pauvre, aride, soit né le symbole si parfumé de paix, de tolérance, de pardon, de victoire, d’abondance, de sagesse, d’éternité….

Est-il possible que de la pire sécheresse, celle du coeur, naisse la bonté ?

Tracé par une plume fébrile, l’Olivier se dessine sur l’horizon pierreux et le bleu infini, obstiné et pâle.

 

Je me penche et je le regarde posé là, comme une une énigme et sa réponse à la fois.

 

Béatrix Bouillon 26/02/2018


26/02/2018
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>> Le Saule

Le saule

 

 

Je rêvais que l’on se disait tout, que tu buvais l’or liquide versé au fond de mes grands yeux.

Je rêvais jusqu’en plein midi, et tu venais réveiller ma peau et me rendre au jour qui bleuissait…

L’hiver, mes songes planaient au dessus de mon lit, tenus par un seul fil.

L’hiver dénouait mes draps qui lentement tombaient et tournoyaient sur l’herbe couchée, au pied de ma tour si haute que personne n’y venait.

Mes épaules se courbaient peu à peu comme la silhouette du saule penché sur l’eau. Une femme étonnée transformée en arbre, qui semble toujours fuir et rester en même temps. Accompagnant d’une aile ruisselante la traîne éperdue de l’eau et la fuite des nuages.

Une course muette et inlassable comme un cri sans fin.

Que n’aurais-je donné alors, pour sentir les lances argentées de cette longue chevelure caresser mon front et ma nuque, écouter les vagues chanter une vague mélopée, glisser comme une lame et recommencer. Une douceur tiède et sinueuse, comme une pluie éblouissante de baisers légers.

Quelle est cette peur née de l’oubli, qui resurgit ?

Affligée d’un rêve impossible, comme un bout de chair épuisée tenu par quelques nerfs, une émotion interminable qui palpite encore….

C'est la mort qui repose au fond de l’eau, la mort, les yeux pleins d’espérance, la mort qui s’approche du bout des doigts, qui s’approche et puis s’esquive.

Navrée par la blessure finale, ce bleu, cette inévitable nuit, je veux tout oublier dessous les branches courbées de l’arbre qui tant m’aime, et tant me pleure.

Dans mes nuits je fabriquais mes soleils avec des lampes que j’allumais au dessus de mes lectures. Dans mes nuits des lunes radieuses éclairaient les passages enchantés au creux des pages que je tournais.

Le jour me laissait pâle et pensive et je me demandais à qui devais- je ce besoin de m’épancher ?

 

 

Béatrix Bouillon 14 /02 /2018


15/02/2018
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